Avis argumenté : France culture, « La vie intérieure – La solitude »

Note de l’Âne Rouge : Dans le cadre d’un travail sur la solitude pour le cours de français de Monsieur Lourtie, Boyan nous écrit le texte suivant suite à l’écoute de cet extrait de l’émission « La vie intérieure » par Christophe André, France Culture.

 

« La solitude est à l’esprit, ce que la diète est au corps, mortelle lorsqu’elle est trop longue, quoique nécessaire »

Marquis de Vauvenargues (écrivain, moraliste et aphoriste français du XVIIIe siècle)

 

Cette phrase nous amène à la réflexion. Une réflexion profonde qui a lieu d’être, en ce moment difficile de confinement. Un tel régime qui a le pouvoir de nous faire parvenir la recette pour une hygiène de vie spirituelle propre à nous. Une « diète spirituelle démesurée» est cependant mortelle. Son dosage doit s’effectuer avec précaution pour éviter les dommages, lors d’un si agréable moment qu’est le recueillement en soi-même.

 

J’approuve cette phrase parce que je pense, que la solitude est un moment de réflexion, où l’on a le temps et, donc, la possibilité de « se rendre soi-même visite ». Dans la vie de tous les jours, nous n’avons pas beaucoup de temps pour facilement « rentrer en nous-mêmes ». Les écrans nous mangent une grande partie des moments susceptibles de solitude. La vie actuelle nous incite constamment à une communication de plus en plus fréquente, effrénée. Notre vie est tellement chargée que le temps de faire tous les devoirs et étudier pour le lendemain, nous avons à peine le temps de dormir. Or, le sommeil et le moment avant le sommeil sont des moments de recueillement, où l’esprit demande au corps un court repos.

Néanmoins, il faut correctement « doser » la solitude. Il ne faut pas excéder dans cette diète ni lui échapper par peur. Certains exagèrent en voulant tout le temps être seuls pour bien s’occuper d’eux-mêmes parce que cela leur procurerait du bonheur. D’autres ont peur de la solitude. Ce sentiment leur ferait peur et leur paraîtrait comme une perte de temps dans une vie pourtant surchargée. C’est également un sentiment qui leur paraît difficile à vivre.

Les Anciens disaient pour cela « Μηδέν ἄγαν », ce qui signifie « rien de trop ». Depuis toujours, les philosophes réfléchissaient à la question et pensaient déjà que la surabondance (dans tous les cas) était nocive pour l’homme. Ils nous encourageaient  donc à trouver le juste milieu dans tout pour pouvoir vivre heureux. L’homme ne peut pas être entièrement seul, il est « naturellement pensé » pour communiquer, interagir, etc. La communication et les contacts sociaux sont donc importants pour la vie humaine. L’homme a besoin de se regarder dans le miroir que représentent pour lui les autres. Les contacts sociaux sont un test, un jeu amusant de vanité et de pouvoir. La solitude est une voie pour mieux savourer les moments de partage et de fraternité et pour affûter notre sensibilité, à ces instants. La solitude nous permet de nous préparer pour les contacts sociaux. Elle n’a donc pas pour unique vocation de nous rendre heureux.

Pour partager mon expérience personnelle, je vais raconter comment j’ai pu découvrir ces moments de recueil en soi. L’année passée, j’allais toutes les semaines à des cours de relaxation à l’école, sur le temps de midi avec Madame Jamotte. Les premières fois, cela n’a pas donné de réel effet, mais au fur et à mesure que les cours s’enchaînaient, cela a fini par donner son fruit – les séances se sont transformées en réels moments de détente.  Je n’ai pas eu peur de couper les communications pendant un temps de midi hebdomadaire. Au contraire, cela fait beaucoup de bien et venait pour équilibrer la tension pendant les cours.

D’autre part, j’ai choisi de partager l’expérience d’un personnage, qui aurait vécu de réels moments de solitude: l’Homme au masque de fer. D’après certaines hypothèses, il aurait été le frère jumeau de Louis XIV. Incarcéré pendant 34 ans dans plusieurs prisons, il a été privé de toutes communications. Je me suis demandé comment il a dû faire pour préserver son esprit sain et combatif. Il aurait sûrement dû faire preuve de beaucoup d’imagination pour pouvoir se créer un monde semblable au réel, et continuer à suivre les jours, les saisons, les années. Il serait mort le 19 novembre 1703, à la prison de la Bastille. Seul. Beaucoup de gens meurent par chagrin ou par sentiment d’abandon, ce qui a sûrement dû être son cas. La solitude a dû contribuer plus à sa mort que les conditions de vie précaires de la prison (manque d’hygiène, mauvais traitements, nourriture infecte, etc.). Le geste de cloîtrer ou d’isoler quelqu’un, n’est pas seulement un geste de punition, mais aussi d’élimination (physique et psychique). On doit être conscient que l’isolation inflige des souffrances profondes à l’âme qui brisent après le corps des personnes mises en isolation. Voilà pourquoi, notre société moderne admet l’emprisonnement mais réfléchit aussi sur les éléments qui peuvent adoucir la solitude d’une telle punition. 

 

Aristote a dit que l’homme était un «  ζώον πολιτικόν », un animal social. L’homme fuit la solitude naturellement. Chercher des amis, vivre en couple est vital dans tous les sens du terme. Si on nous coupe le contact, on devient malade. Cette maladie se développe, bien entendu, différemment, mais tout être humain en est atteint. Qu’il lutte ou pas, qu’il le montre ou pas, qu’il s’en sorte ou pas. 

Trouver l’équilibre entre la vie sociale bénéfique et les moments des « visites en soi » serait sans doute la recette pour un être humain heureux.

Boyan Delattre